Derrida Hexadécimal

Le fonds Jacques Derrida est l’un des premiers fonds d’archives confiés à l’Imec contenant des documents numériques. Ces données dématérialisées sont au cœur du projet Derrida Hexadécimal, qui explore cet ensemble avec les méthodes de la criminalistique numérique. Portée par l’Institut des textes et manuscrits modernes (Item), cette expérience inédite ouvre de nouvelles perspectives à la recherche et bouscule notre rapport aux archives.

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Disquettes de Jacques Derrida. Fonds Jacques Derrida/Imec. Crédit photographique : Michaël Quemener

Le projet Derrida Hexadécimal est né, comme c’est souvent le cas à l’Imec, du croisement heureux de deux opportunités. D’un côté, l’entrée des ordinateurs de Jacques Derrida dans les archives de l’Institut à la fin des années 2000, qui a marqué le début d’une succession de questionnements et d’expérimentations autour de la collecte, du traitement et de la communication de ce qu’on allait bientôt nommer les « archives nativement numériques » – par opposition aux documents dématérialisés ou numérisés. De l’autre, une équipe de recherche en génétique textuelle de l’Institut des textes et manuscrits modernes, composée d’Aurèle Crasson, Jeremy Pedrazzi, Jean-Louis Lebrave et Laurent Alonso, qui s’intéressait déjà depuis quelques années à la problématique de la pratique génétique appliquée aux documents numériques.


Jacques Derrida, il faut le souligner, fut un précurseur dans l’utilisation des logiciels de traitement de texte. Dès 1986, il acquiert son premier Macintosh, qui est aujourd’hui conservé dans les collections de l’Imec, aux côtés de deux autres ordinateurs, d’un disque dur, de cartouches SyQuest et de nombreuses disquettes, ce qui fait de ce fonds un témoin précieux de l’évolution des pratiques et des techniques d’écriture. Dès 2019, à l’invitation de l’Imec, et avec l’accord des ayants droit, l’équipe de l’Item a engagé l’exploitation des données qui constituent le corpus numérique du fonds Jacques Derrida. Elle a mis en place des techniques de fouille informatique héritées de la forensique criminelle – méthodologie inédite en France au regard d’un fonds d’archives – et a entrepris une analyse génétique des archives numériques de Jacques Derrida.


Mais ce travail d’exploration ne se borne pas à la compréhension du processus d’écriture derridien : l’équipe de l’Item, en collaboration avec l’Imec, s’emploie depuis un an à élaborer une « génétique numérique générale », autrement dit une méthodologie applicable à d’autres corpus. Ce travail de formalisation est porteur de grands enjeux pour l’Imec puisque le cas des ordinateurs de Jacques Derrida est loin d’être une exception : de nombreux fonds dans les archives de l’Institut contiennent des supports informatiques et des données numériques. Les méthodologies d’exploration développées dans le cadre du projet Derrida Hexadécimal sont indispensables au traitement – actuel et futur – des fonds d’auteurs et d’éditeurs, et plus généralement au développement d’une archivistique numérique.

 

Pour en savoir plus : http://www.item.ens.fr/derrida-hexadecimal/